LE QUÉBEC EST KO.
La Table nationale des Corporations de développement communautaire mène depuis deux semaines une campagne nationale, « le Québec est KO », qui vise à susciter une mobilisation individuelle et collective afin d’obtenir des garanties de financement de la part du gouvernement pour renforcer le filet social du Québec pour passer « de KO à OK ». Trop de gens à la rue, trop de gens ont faim, trop d’organismes au bord du gouffre : le gouvernement doit agir maintenant!
En tant que porte-parole de cette campagne, je pensais avoir des échanges de haut vol avec nos représentants politiques et les médias. Pourtant je suis davantage interpellée pour réagir aux préjugés dont les personnes vulnérables font face, elles, au quotidien.
« Les pauvres ont juste à travailler. »
C’est plus souvent une question d’incapacité que de volonté. Savez-vous qu’une personne seule qui travaille à temps plein au salaire minimum ne parvient même pas à sortir du seuil de la pauvreté ? Ce sont maintenant des travailleuses et travailleurs qui fréquentent les banques alimentaires. Et NON, ce n’est pas un choix. Le visage de la pauvreté a changé.
Vous trouvez normal qu’il ne soit plus possible de payer un loyer avec un seul revenu ? Qu’on arrive plus à trouver un logement adéquat ? Que des familles se retrouvent à la rue ? Malheureusement, plus personne n’est à l’abris de se trouver en situation de vulnérabilité.
Les personnes vulnérables, c’est aussi des personnes seules, âgées, qui vivent avec des enjeux de santé mentale, qui sont monoparentales, qui ont vécu des traumatismes, de la violence, etc. C’est justement ça l’idée : soutenir les personnes qui en arrachent pour qu’elles puissent reprendre du pouvoir sur leur vie.
« Le filet social s’effondre parce que les gens en abusent. »
Je vous assure que les personnes qui viennent chercher des services ne le font pas par plaisir et encore moins pour abuser. La grande majorité cherche seulement à répondre à ses besoins de base et vivre un tant soit peu dignement.
Par ailleurs, soutenir les personnes vulnérables et leur donner une voix, ce n’est pas « vivre sur le dos des pauvres ». Tout organisme souhaite ultimement ne plus avoir à exister, que les problèmes sociaux soient réglés à la source. Saviez-vous que les organismes communautaires sont sous-financés depuis 20 ans? Que dans la grande majorité des secteurs d’intervention les subventions ne sont même pas indexées? On doit toujours faire plus, répondre à davantage de demandes, alors qu’on n’a pas plus de moyens. Nos équipes sont souvent à bout de souffle et même à risque, elles aussi, de se retrouver dans le cul-de-sac de la pauvreté.
Le salaire horaire moyen des intervenantes et intervenants à temps plein dans l’action communautaire est de moins de 25$ de l’heure et de 33$ de l’heure pour les directions. C’est un défi pour les organismes d’être attractifs au niveau de la main d’oeuvre car il est difficile d’offrir un salaire compétitif au réseau public et même au privé (voir l’étude Les Repères du CSMO-ESAC).
Sachez aussi que les personnes impliquées dans les conseils d’administration et comités des organismes communautaires autonomes sont bénévoles et ne reçoivent aucune contribution. Ce qu’on demande, ce n’est pas de nager dans l’abondance, mais juste de pouvoir fonctionner !
« Le Québec n’a pas les moyens, on est déjà trop taxés. »
On ne parle absolument pas de taxer personne de façon supplémentaire. Au contraire, investir en prévention et dans le filet social sauve des coûts énormes à la société.
Saviez-vous qu’investir dans l’action communautaire génère plus de retombées économiques qu’un investissement dans l’ensemble de l’économie? Une étude d’impact réalisée par la firme spécialisée en analyse économique AppEco le confirme (voir la section référence sur notre site internet). Pour 100M$ investis dans le communautaire par le gouvernement, ce sont 183.7M$ qui sont injectés dans l’économie québécoise et l’investissement génère un PIB de 110M$. Autrement dit, un dollar dépensé dans le secteur communautaire génère 1,10 dollar en valeur ajoutée dans l’économie.
Pourtant, on les trouve subitement les millions quand vient le temps d’offrir des subventions aux entreprises privées qui génèrent directement des profits pour des multinationales… On pourrait très bien répartir la richesse autrement (parce que oui le Québec est une nation riche). On pourrait par exemple mettre en place une fiscalité plus progressive (plus de paliers d’imposition) qui respecterait mieux la capacité de payer des citoyennes et citoyens et choisir d’investir notre argent différemment.
Nous avons 11 milliards de déficit ? Et bien nous avons aussi 10 milliards de solution (www.nonauxhausses.org). D’autres choix sont possibles !
Il faut avoir le courage politique de prendre ces décisions.